Botox hommes
Sur les plateformes telles que TikTok ou Instagram, il est question de «brotox», contraction des termes «brother» (frère) et «Botox». © Getty Images

Pourquoi les hommes se mettent de plus en plus au Botox: «Tant mieux pour nous, les femmes»

Autrefois secret farouchement gardé, avoir recours à des injections de Botox n’est plus un acte «honteux» pour certains hommes. Ils sont de plus en plus nombreux à sauter le pas de la jeunesse (presque) éternelle. Une bonne chose, selon la docteure en psychiatrie Christine Reynaert, à condition toutefois de ne pas tomber dans l’addiction.

Les injections ne sont pas –ou plus– seulement l’apanage de la gent féminine. Sur les réseaux sociaux, les hommes sont de plus en plus nombreux à faire des injections et à les assumer. Sur les plateformes telles que TikTok ou Instagram, la tendance a adopté le nom de «brotox», contraction des termes «brother» (frère) et «Botox».

Dans «la vraie vie», les noms masculins noircissent désormais les pages des agendas des chirurgiens et des médecins esthétiques. La Dr Anouk Herszkowicz, spécialiste des traitements doux de médecine esthétique, confirme recevoir plus d’hommes pour des injections que par le passé. Ils ne supplantent toutefois pas encore les femmes. «Sur vingt patients, cinq sont des hommes», précise-t-elle. Dans le cabinet du Dr Christophe Denoël, chirurgien plastique et esthétique, les hommes représentent «environ 5 à 10% de la patientèle» souhaitant des injections.

Outre-Atlantique, les demandes d’injection explosent. Selon le rapport 2023 de l’Association américaine des chirurgiens plastiques (American Society of Plastic Surgeons), les injections et les fillers (produit de comblement injectable dans la peau) représentaient, chez les hommes, 821.077 procédures. Trois ans plus tôt, l’association n’en recensait que 383.861, ce qui représentait, déjà à l’époque, une augmentation du nombre d’interventions de 182% pour les injections, notamment de Botox, et de 137% pour les fillers, par rapport à 2000.

Le Dr Pierre Cuvelier, lui, n’a pas constaté d’évolution nette de la part de patients hommes, ces dernières années. En revanche, il note une banalisation des actes esthétiques, aussi bien chez les femmes que chez les hommes. «Ils sont devenus plus abordables qu’auparavant. Une rhinoplastie, par exemple, nécessitait de passer sous le bistouri. Maintenant, on peut repousser les signes du vieillissement avec des techniques moins agressives et moins invasives», commente le médecin esthétique. Le tout a été exacerbé, selon le Dr Denoël, par «les appareils photo des smartphones, toujours plus en plus performants, qui ne camouflent plus les « défauts », ou encore par la pression psychologique exercée sur les réseaux sociaux».

«Je ne le crie pas sur tous les toits, mais si le sujet arrive sur la table, je ne le cache pas. La plupart des gens ne me croient pas quand je dis que je fais parfois des injections.»

Plus beau, plus jeune, plus «masculin»

D’après le chirurgien, les profils des hommes qui viennent le voir pour des injections sont souvent les mêmes: des personnalités des médias, de la politique, des artistes ou encore des cadres supérieurs en contact régulier avec le public; des hommes séparés, parfois en couple avec des personnes plus jeunes qu’eux; des jeunes qui fréquentent les salles de sport; des personnes homosexuelles ou transgenres.

Kristof, 39 ans, fait partie de ces adeptes des injections, et coche certaines de ces cases: il est célibataire, père de deux enfants, et travaille dans les médias. Il a toujours aimé prendre soin de lui, mais n’a sauté le pas que lorsqu’il était encore en couple. «La personne avait qui j’étais avait déjà eu recours à des fillers et des injections de Botox. Je l’ai accompagnée à l’un de ses rendez-vous, et j’en ai profité pour me faire moi aussi injecter. J’ai été tellement satisfait du résultat que j’ai rapidement planifié quelques séances supplémentaires, se souvient-il. Je dirais que j’ai reçu entre trois et cinq traitements

Ces injections de Botox, il les a faites sur le front, sur le côté des yeux, et entre les sourcils, à la «ride du lion». Quant aux fillers, ils ont été injectés au niveau de la mâchoire, du menton et un peu sur les côtés des yeux, «pour atténuer les pattes d’oie». Enfin, il a corrigé un nez un peu trop tordu à son goût en comblant la partie supérieure de l’arête nasale.

Des zones plutôt courantes, selon les spécialistes interrogés. «Comme les femmes, les hommes veulent paraître plus jeunes, plus beaux», commente Pierre Cuvelier. Pour d’autres patients, les injections ont aussi pour objectif de masculiniser certains de leurs traits, essentiellement dans les zones du menton, des mâchoires ou des tempes. Les hommes sont une patientèle à part, «on n’injecte pas chez eux comme on injecte chez les femmes», ajoute le médecin esthétique.

Parmi les zones les plus demandées, les mâchoires. Les injections de Botox peuvent notamment rendre le visage des hommes plus masculin. © Getty Images/Science Photo Libra

Cachez ces rides que je ne saurais voir… mais discrètement, s’il vous plaît

Malgré l’attrait des hommes pour les injections et le fait que la pratique soit de plus en plus acceptée, le sujet reste tabou. «C’est aussi vrai chez les femmes que chez les hommes», selon le Dr Cuvelier. «Surtout en Belgique», complète Anouk Herszkowicz. «Dans les pays frontaliers, tout le monde en parle ouvertement.» Et le Dr Denoël d’ajouter que les hommes qui viennent le voir dans son cabinet «sont quasiment toujours seuls, souhaitant rester très discrets».

Kristof, lui, assume: «Je ne le crie pas sur tous les toits, mais si le sujet arrive sur la table, je ne le cache pas. La plupart des gens ne me croient pas quand je dis que je me fais parfois des injections. C’est un compliment, car cela prouve que le résultat reste très naturel.» Cet aspect naturel, c’est le but recherché par ces femmes et ces hommes qui se font injecter des fillers, de l’acide botulique (Botox), ou encore de l’acide hyaluronique, selon les trois médecins et chirurgiens esthétiques. Cependant, «une personne de 60 ans ne peut pas espérer que les autres croient qu’elle n’a pas eu recours à des injections, quand ses rides ont disparu et que son visage a l’air plus jeune», souligne la Dr Herszkowicz.

«Bon pour la santé», mais gare à l’addiction

Pour la docteure en médecine et psychiatrie, et sexologue du CHU UCL Namur, Christine Reynaert, le fait que les hommes soient plus nombreux à sauter le pas des injections, de Botox notamment, n’est pas une mauvaise chose. Que du contraire. «Prendre soin de soi, se connaître et être bienveillant envers soi-même est bon pour la santé, et tant mieux si les hommes commencent à se le permettre. S’ils veulent rester beaux, tant mieux pour nous, les femmes, pour qui le poids de rester jeunes et belles est désormais partagé, estime-t-elle. C’est une libération pour elles et indirectement un recul des différences de genre pour plus d’égalité dans notre société.»

«Un visage qui reste jeune n’est pas un passeport pour le bonheur, ni un remède contre la dépression, le chagrin d’amour, les deuils, les stress de la vie…»

Pour autant que cette pratique «corresponde à un souhait de rester en forme, désirant et désirable», poursuit-elle. Ces actes de médecine esthétique peuvent devenir plus problématiques lorsqu’il s’agit pour le patient de «porter un masque, de dissimuler, ou encore de tricher sur son âge et sur sa personnalité».

La sexologue partage l’avis du Dr Denoël quant à l’influence non négligeable des réseaux sociaux sur les injections au masculin. Pour elle, ils représentent «la meilleure et la pire des choses», car, s’ils permettent de lever les tabous, ils peuvent aussi rendre dépendants. «Si les hommes font cela pour répondre aux injonctions d’un influenceur, à une publicité sans recul réflexif, ces injections peuvent alors mener à beaucoup de déceptions», prévient la Dr Reynaert.

Elle met aussi en garde les hommes comme les femmes face aux risques de «surconsommation» qui pourrait se transformer en addiction. «Des dérives sont possibles, si, par exemple, on exige la perfection ou si l’on veut absolument ressembler à quelqu’un d’autre. Ou encore si l’on attend de ces injections qu’elles soulagent des souffrances psychologiques, insiste la docteure en psychiatrie. Un visage qui reste jeune n’est pas un passeport pour le bonheur, ni un remède contre la dépression, le chagrin d’amour, les deuils, les stress de la vie… Il faudra plutôt s’engager dans une psychothérapie en parallèle.»

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