Portrait de Albert Einstein sur une publicité pour l'eau gazeuse 'Perrier' à Paris, circa 1990, France. (Photo by Elise HARDY/Gamma-Rapho via Getty Images)

Scandale Perrier en France: les eaux minérales vendues en Belgique sont-elles épargnées?

En baisse de 23% en avril par rapport à la même période en 2024, selon le cabinet Circana qui accompagne les industriels et distributeurs dans la compréhension de leurs consommateurs, les chiffres de la consommation de Perrier, révélés par Franceinfo, laisse transparaître une perte de confiance de ses adeptes. En cause? Le scandale de la pollution et du traitement de cette eau dite « minérale naturelle » en inadéquation avec son appellation.

Rendu public le 19 mai dernier, un rapport d’enquête du Sénat en France met en lumière la disparition de noms de bactéries et de pesticides d’un rapport de l’agence régionale de santé Occitanie sur la qualité de l’eau des forages de l’usine Perrier, à Vergèze dans le Gard, à la demande de Nestlé. Un nouveau rebondissement dans l’affaire de la pollution et du traitement de l’eau Perrier à l’appellation d’«eau minérale naturelle». Des faits dévoilés en février 2024 par la cellule investigation de Radio France et du journal Le Monde.

L’enquête révèle que Perrier aurait utilisé des traitements de désinfection seulement autorisés pour l’eau du robinet. A l’origine? La volonté du groupe Nestlé Waters de lutter contre une contamination régulière des forages, notamment de la source Perrier, par des pathogènes. Parmi ces traitements: une irradiation UV et l’utilisation de charbon actif. «Le charbon actif permet d’absorber des composés organiques peu solubles dans l’eau et des substances qui pourraient rendre l’eau impropre à la consommation telles que des solvants ou des polluants éternels que sont les PFAS», explique Alfred Bernard, toxicologue à l’UCLouvain. Quant au traitement UV, «il est très efficace pour tuer les germes présents dans l’eau. L’eau est alors désinfectée, sans devenir désinfectante, contrairement à l’eau du robinet avec le processus de chloration», ajoute l’expert en toxicologie.

Des traitements sans danger pour la santé

Si ces traitements ne sont pas dangereux pour la santé car ils ne laissent pas de résidus dans l’eau, c’est au niveau de l’appellation «eau minérale naturelle» et donc de la transparence que la pratique pose problème. Attribué en Belgique par le SPF Santé Publique, ce label impose de respecter des critères stricts. Exploitées par une source, «les eaux minérales naturelles possèdent des caractéristiques particulières qui les distinguent nettement des autres types d’eau. Il s’agit de leur pureté originelle, de leur composition caractéristique pouvant provoquer certains effets bénéfiques sur la santé, et de la stabilité de leurs caractéristiques essentielles dans le temps», rappelle le service public fédéral sur son site. Pour obtenir l’appellation, «il faut être agréé par le SPF sur base d’un dossier et d’analyse faites sur plusieurs mois», indique Philip Buisseret, secrétaire général de la FIEB, l’association sectorielle de l’Industrie belge des Eaux et Boissons rafraîchissantes. 

Les eaux minérales naturelles et les eaux de source ne peuvent pas être traitées. Seuls quelques rares traitements sous des conditions très spécifiques sont autorisés. Parmi eux: l’élimination totale ou partielle de gaz carbonique libre par des procédés exclusivement physiques ou encore du manganèse, un minéral présent dans les sols, et du fer, par l’utilisation de médias filtrant présents dans la nature.

Un total de 20 eaux minérales naturelles en Belgique
Bru, Spa Reine, Chaudfontaine ou encore Valvert : en Belgique, vingt eaux minérales naturelles sont reconnues et autorisées à être commercialisées conformément à l’arrêté royal du 8 février 1999 concernant les eaux minérales naturelles et les eaux de source. Cet arrêté encadre les traitements autorisés pour les eaux minérales naturelles. Seuls certains traitements physiques, comme la filtration ou l’oxygénation, sont permis, à condition de ne pas altérer la composition essentielle de l’eau. L’utilisation d’ozone est également réglementée et doit être notifiée aux autorités compétentes.

Scandale Perrier: faut-il s’inquiéter en Belgique?

Les eaux minérales naturelles sont réglementées par des normes européennes d’exploitation, de production et de qualité. En Belgique, le SPF Santé publique et l’Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire (AFSCA) sont chargés du contrôle des eaux. Des paramètres microbiologiques tels que la bactérie intestinale E.coli, pesticides et chimiques sont scrutés. «L’AFSCA effectue tout au long de l’année des contrôles sur la sécurité des eaux en bouteille. D’une part par le biais d’un programme d’analyse (avec échantillonnage aléatoire) et d’autre part par celui d’inspections auprès des producteurs d’eau belges», détaille Aline Van den Broeck, porte-parole de l’Agence. Ces dernières ont lieu tous les deux ans.

Selon les données de l’AFSCA, entre 2021 et 2023, plus de 99% des près de 1.000 échantillons prélevés étaient conformes. «Les chiffres de 2024 sont encore en cours de consolidation mais suivent la même tendance», assure Aline Van den Broeck. Cependant, le contrôle des eaux ne se limite pas aux analyses du programme de contrôle de l’Agence. «La responsabilité finale de se conformer à tout moment aux exigences imposées par la règlementation et de garantir que l’eau conditionnée sont sûrs, incombe entièrement à l’opérateur (fabricant)», rappelle la porte-parole. Par conséquent, l’opérateur doit réaliser des analyses sur l’eau produite dans le cadre de son plan de contrôle afin de vérifier le respect des exigences légales.

Mais le scandale en France questionne la transparence, la traçabilité et les moyens de contrôle des organismes en charge.

Une confiance abîmée pour le secteur en France, mais pas en Belgique

En déclin de 14% depuis janvier 2025, par rapport à la même période en 2024, selon les chiffres collectés par le Syndicat des eaux de source et des eaux minérales naturelles (SESEMN) et consultés par France Info, la consommation de Perrier laisse transparaître une perte de confiance des consommateurs. Le cabinet Circana, qui a compilé les chiffres, indique que le marché de l’eau plate en bouteille a diminué de 3,5% et celui de l’eau gazeuse de 2,5% en 2024 par rapport à 2023.

En Belgique, la consommation d’eau en bouteille ne semble pas avoir été impactée par le scandale. Selon le secrétaire général de la FIEB, Philip Buisseret, une augmentation de 2,5% de la consommation d’eau en bouteille en 2024 par rapport à 2023 ; toutes catégories confondues : eau de table (traitée), eau de source (dont la composition peut varier d’année en année) et eau minérale naturelle (de source souterraine, non traitée, à la composition stable), a été observée.

Des points d’interrogation tout de même

A la suite du scandale en France, la Belgique avait décidé d’ouvrir une enquête sur les traitements de filtrage des eaux minérales en février 2024. En mars dernier, une perquisition a été menée sur le site de la marque Valvert, filiale de Nestlé Waters, situé à Etalle, en province du Luxembourg.

Pour Testachats, dans ce dossier, Nestlé est coupable de pratique commerciale trompeuse. Une instruction étant en cours en Belgique, une action au civil de la part de l’association de consommateurs n’est pas envisageable. Elle n’exclut toutefois pas d’interpeller Nestlé. «Au vu des traitements appliqués, Nestlé n’aurait pas dû se prévaloir de cette appellation d’eau minérale et les consommateurs n’auraient pas dû payer pour cela», s’indigne Julie Frère, porte-parole de Testachats. Car les eaux dites minérales naturelles coûtent plus cher que les autres eaux en bouteille ou que l’or bleu qui jaillit du robinet. «Notre but serait que le trop-perçu du groupe retourne aux consommateurs trompés ou du moins à la collectivité», conclut Julie Frère.

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